III
Yahmose, méfie-toi de Kait !
— De Kait ?
Yahmose ne cachait pas sa surprise.
— Ma chère Renisenb…
— Je te préviens, Kait est dangereuse !
— Kait, si calme et si tranquille ? Elle a toujours été une femme très douce, un peu résignée, pas très intelligente… Renisenb coupa la parole à son frère.
— Elle n’est ni douce, ni résignée. Elle me fait peur, Yahmose, et je veux que tu te tiennes sur tes gardes.
— Contre Kait ?
Yahmose restait incrédule. Il poursuivit :
— Je ne vois vraiment pas la pauvre Kait semant la mort autour d’elle ! Elle n’aurait pas l’intelligence suffisante…
— Il ne s’agit pas d’intelligence, répliqua Renisenb. Il suffit de s’y connaître un peu en poisons et c’est une connaissance qui, dans certaines familles, se transmet de mère en fille. On y fabrique des décoctions d’herbes… et je ne serais pas surprise que ce soit une science familière à Kait. Quand ses enfants étaient malades, elle leur préparait elle-même des remèdes…
— C’est exact…
Yahmose restait pensif. Renisenb reprit :
— Il faut aussi se méfier d’Henet. Elle est méchante.
— Je te l’accorde et je ne l’ai jamais aimée. Si mon père ne la protégeait pas…
— Notre père ne la voit pas comme elle est…
— C’est très possible.
Il ajouta, sans passion :
— Elle le prend par la flatterie.
Renisenb regarda Yahmose. C’était la première fois qu’elle lui entendait prononcer une phrase critiquant la conduite d’Imhotep. Sa surprise passée, elle comprit que son frère se dégageait peu à peu de la tutelle paternelle pour devenir progressivement le véritable maître du domaine. Imhotep, en ces derniers temps, avait beaucoup vieilli. Il était maintenant incapable de donner des ordres et de prendre des décisions. Son activité physique, même, diminuait. Il passait de longues heures, assis au soleil, le regard vide et lointain. Quelquefois, on lui parlait et il semblait ne pas entendre.
Renisenb, revenant à Henet, interrogea Yahmose :
— Crois-tu que ce soit elle qui…
Yahmose prit sa sœur par le bras.
— Du calme, Renisenb ! Il vaut mieux ne rien dire de ces choses-là, même à voix basse.
— Alors, tu crois…
La voix de Yahmose se fit plus pressante :
— Ne dis rien maintenant, Renisenb. Nous avons un plan…